Château de l’air (Yves Cosson)

Brocéliande agonise
Brocéliande a brûlé
Au plus profond de ce Val sans retour
Énorme brasero
Mille arbres suppliciés ont péri par le feu
Des voix ardentes s’épuisent dans l’écho
Lancelot, Lancelot du Lac, ce sont les fées…
Les fées sont mortes brûlées vives
Le diable est dans le jeu
Tourmente-t-il aussi le bon Recteur ami
Qu’André Breton conduit un jour jusqu’à Paris
Tréhorenteuc, Tréhorenteuc
Les flammes lèchent tes murs
Quand le vent tourne
Rouge est couleur de Charité.

Au matin dans l’échancrure des fumées
On crut voir sur l’éperon rocheux
L’inaccessible château aventureux
Et dans l’aurore rose

Un cerf splendide plus blanc
Que toute fleur naissante
Au cou la chaîne d’or avec l’anneau
Les quatre lions l’escortent
Ils ont toison plus riche
Que celle qu’en Colchide
Jadis conquirent les Argonautes et Jason.

Le pur Galaad, l’enfant de Trécesson
Comper et Conquoret
Reviendra-t-il jamais à la fontaine
Barenton sommeille parfois bouillonne
Mais l’enchanteur a fui.


Forêt de Paimpont, 1990
Yves Cosson
Hors Jeu, n° 27, janvier 1998