Lettre de Carnac (Guy Denis)

Bien aimée, je me trouve parmi les pierres levées de Carnac qui me rappellent que les mots galvaudés sont ici des dieux ; et qu’avant le verbe existait une parole souveraine dont nous sommes nés et que nous avons perdue. Quand, par hasard, les hommes retrouvent cette parole chez l’un des leurs poètes, ils la mettent sous le boisseau, afin de ne plus se comprendre et pouvoir se haïr.

Tu me comprends, n’est-ce pas ?

Je veux pénétrer dans un monde vierge, une Bretagne d’avant la bâtardise.

Ce pays me parle de dépouillement, de dénuement suprême, devenir comme Jésus au désert, comme Siddharta : dans la poitrine de ce pays druidique, je décèle le souffle de. Dieu.


Guy Denis, Hors Jeu, n° 29, janvier 1999
Extrait de Lettre de Bretagne, éditions de l’Ardoisière, Vitron, 1986