La chute (Jean Joubert)

C’est dans la nuit de la plus sombre chevelure,
c’est par la bouche d’ombre
que souffle ainsi le désir de lumière.

De la cime du ciel,
l’étrave des oiseaux,
l’homme est tombé, frappé par quelle foudre,
quel dieu rageur masqué d’un faux soleil :
Icare châtié dans son élan,
et c’est la terre qui dévore son sanglot,
le tire dans un gouffre où rôdent
les meutes infernales.

Sur lui tombé la terre se referme,
aspire de sa bouche,
de ses baisers boueux
ce corps qui fut un rêve de soleil.

(Buisson brûlé, deuil et croix de la rose)

Dans le jour, suspendue,
la main du peintre hésite,
hasarde une embellie,
suscite enfin sur la lisière du désastre
l’arbre fendu,
la femme échevelée de feuilles et d’oiseaux,
sorcière nue, témoin et sentinelle

Dans le creuset de sève agile,
l’écart des branches,
entre nuit et clarté
germe le sang futur.


d’après une toile de Marie-Christine Brambilla

Jean Joubert, Hors Jeu, n° 36, juin 2001