Il
y a trop
Il y a ces arbres monstrueux
Qui m’observent
la nuit
De leurs yeux grands ouverts
Qui m’observent
de haut
Avec un air sévère
Et moi qui suis
petit
Si petit
Ramassé
Tête au sol
Interdit
Étranger
Importun
Déplacé
Moi
tout seul dans le noir
Où les formes enfouies
De
l’esprit
Me découpent un monde
Inhumain
Moi
de trop comme humain
À
l’heure où sont les choses
Où l’être
n’est personne
Où gagne la matière
Où
je ne suis plus moi
Où rien n’est plus que masse
Insignifiante masse
Au regard impérieux
De
ce qui n’a pas d’yeux
Et l’esprit
Quand
le noir le libère
De ce qu’il reconnaît
S’abandonne à ses affres
Tenté par
l’ombre d’y plonger vers le grand fond
Son propre
fond qu’il craint
Son fond qu’il réalise
À
mesure
Qu’il n’ose le trouver
Mais
aussi
Il y a la lumière
Qui grouille de matière
où le regard s’épuise
De ne pouvoir
l’épuiser elle
Il y a ses grands yeux si perdus
Qui me jouent me délaissent
Et puis m’aiment
Et son cou frêle au point que paraît lui peser
Une
tête elle-même si frêle
Un visage si fin si
joliment tourné
Un petit nez troussé
Puis
sa bouche au dessin
Plus parfait que celui des grands maîtres
Des lèvres infinies que pourtant
Un menton
délicieux
Ponctue de sa virgule
Mais il y a trop
encore
Un
constant sentiment d’être pauvre
Le savoir humilié
L’esprit insuffisant
Faillant toujours à ses
amours
L’harmonie du présent
Déborde
tous mes sens
À
plus forte raison mon esprit qui l’admire
Perdant de
l’impression tout ce qu’il veut en dire
L’harmonie
du présent excède la caresse
Que lui portent mes
mots
Jamais ils ne pourront
L’aborder que de loin
Jamais ils ne sauront
L’embrasser tout entier
Alors
mes yeux s’épuiseront à voir
Mon nez à
respirer
Mon oreille à entendre
Tout mon sens à
sentir
Ce que rien ne peut dire.
Romain Richard, janvier 2021