Soleil ! Soleil de ma vie !
Un instant dans mes doigts s’arrête le fil d’or. Le tremble du jardin a frôlé ma fenêtre. La terre ramoitie s’abreuve de silence.
Mais c’est l’ombre de toi…
Je ferme les yeux. Un grillon me fait signe. Un feu de salve danse quelque part dans une allée perdue. L’orgie des cloches déferle.
Mais c’est l’ombre de toi…
Je vais par les treillis en quête d’innocence, te croyant disparu à jamais de chez moi. De ramée en écorce, d’écorce en bouton d’or, l’engoulevent des livres, jamais encore connu —
feuille morte, feuille vive — aujourd’hui je l’ai vu.
Mais c’est l’ombre de toi…
Traversée d’espérance je caresse les arbres, l’osier rouge, les saules et le noyer cendré. Je cours dans la combe, les grèbes battent l’eau — du foin vasé partout — je veux rencontrer mon roitelet d’épines, qui dans mes noirs déserts chaque fois me revient.
Mais c’est l’ombre de toi…
À peine au soir levée la lune rousse, immense, s’est toute déformée. L’ocre de sa splendeur a plu sur notre avril, brésillant la ténèbre et mes frères ont souri. Ô ténèbres de
feu !
Mais c’est l’ombre de toi…
Ô rentre donc mon âme. Prends un livre, bavarde, endors-toi un instant ! Mais en vain sous les yeux courent et courent les mots, en vain le livre ouvert. Un torrent d’eau fluviale a glissé jusqu’au fond et m’étreint le désir. En Toi je suis tombée comme une pierre sourde.
Mais c’est l’ombre de toi…
J’ai parlé tout hier et parlaient les visages, du soleil sur les mains. Rengendré, brusquement, ton sourire-étincelle m’a transpercé le sein et se figent les lèvres. Mais dors un seul instant ! Je vais dormir. Les mailles du sommeil elles-mêmes s’effilochent. Quelque chose déjà au-dedans à bougé. Tu m’appelles de nuit. Tes yeux je les désire.
Mais c’est l’ombre de toi…
Marie-Pascale Jégou, Les dits de l'ensoleillée vive