Le cœur n’est pas assez large pour le futur
Le mien battait dans la lumière des prairies
Je partageais mon âme en des milliers d’hosties
Un chiffon de soleil pendait à ma ceinture.
Chaque jeudi je bâtissais dans les orties
Les insectes se dévoraient de branche en branche
L’été signait la sauge et le millepertuis
Dans l’auge on surprenait une voletée d’anges.
Je me souviens la lande était comme un fruit mûr
Il y passait des trimardeux, marchands d’amis
On cheminait beaucoup par nos sentiers d’orties
Les soirs, à la légende, étaient souvent peu sûrs…
Nous n’avions pas de pain et le feu était froid
Nous étions les enfants des ronciers et des ronces
Du travail notre père nous enseignait la loi
Notre mère affirmait que le Temps n’est qu’un Songe.
Nous étions les enfants des bruyères, des houx
Nous chantions dans le vent la messe des mauvis
Dites mes sœurs qu’avons-nous fait de nos jeudis ?
Mon frère, ton vélo brille comme un vieux sou.
En ce temps-là c’était l’amour-la-poésie
Celle que l’on propage en priant sous la pluie
Un Dieu mort sur la Croix d’avoir pitié de nous.
Charles Le Quintrec, Hors Jeu, n° 53, septembre 2007