À Jean-Michel Fossey
l’infatigable patrouilleur des mots…
J’aurai l’amour d’aimer et je prendrai le temps !
le temps d’un sein nu
sous une chemise ;
le temps d’aimer les roses sauvages, l’abeille
et le rossignol ;
le temps d’aimer les immortelles au vent du large ;
et surtout, et surtout,
le temps d’aimer les Mots,
parce que la Poésie
commence et commencera toujours
la où le dernier mot n’appartient à la Mort !…
et je trouverai
des mots de fiançailles et de coquelicots,
des mots pour dire l’abeille et le rossignol,
des mots pour peindre des prairies lumineuses
sur les murs de la nuit,
des mots pour enlever ses chaînes à Toussaint l’Ouverture !!!
des mots fléchés pour faire la peau de Buffalo-Bill !
des mots de foudre sur le poncho de Zapata !
des mots qui ont rêvé pour nous l’idée de l’Amour Fou !
des mots sans chaînes et sans verrous, sans barreaux, sans frontières,
sans cilice, sans contrition et sans tortures !
sans Dieu, sans Maître, sans Rédemption,
des mots à bout portant !
des mots qui déclouent toutes les mains,
des mots de fiançailles insensées avec les sources, avec le feu,
avec la mer, des mots de pain pour partager et de pierres
pour les lancer
à la figure des Assassins !
des mots pour aimer une Terre,
qui est si belle, qui pleure, qui est promise à tous !!!
je trouverai les mots
pour marcher sur la mer,
pour aller jusqu’aux phares avec Virginia Woolf !
des mots qui changent le Monde et changent le Monde changé,
des mots pour dire avec Machado :
« el crimen fue a Granada » !
des mots pour dire avec Mahmoud Darwich et pour crier
qu’il n’y a pas de Terre Promise
et pour dire aux Hommes-suicides de Palestine qu’il n’y a pas
de Paradis !
Terre Promise, Nulle Part !
Terre Promise à tous, pour tous, Partout !
je vous lancerai des mots, les mots-tocsin de Wladimir !
les mots qui tiennent tête aux Révélations ! aux Fous de Dieu !
aux assassins de la Splendeur Naturelle !
je trouverai
les mots d’insurrection et de marées toujours aux équinoxes !
des mots de blé, de vigne, de figuiers, et d’arbres millénaires !
des mots de source dans le Matin des Cerises,
des mots pour le matin féminin des Béatitudes !!!
des mots pour dire
le pain indicible des Anges !!!
et j’aimerai jusqu’au Bout
le sein blanc entrevu sous la chemise douce
Voici que je vous donne des mots-de-passe pour l’An 01 !
les mots-passereaux,
les mots inespérés,
les mots de prairies pures et de saisons neuves,
les mots de marée haute, des mots vêtus de mille mondes,
de toutes les douleurs,
les mots de violoncelles insensés,
où pleure Rostropovitch !
les mots de ventres doux au creux humain du Temps !!!
et j’entendrai
les mots des corps désirants et solaires, les mots
sans faute et sans péché,
les mots des amantes au corps parfait,
des mots de roses des sables, des mots de louves magnifiques
tracés dans la neige
par des Peuples de Beauté !
et je prendrai le temps !
de démentir le faux Sacré, les règlements, les messes,
les clôtures, les papamobiles, les derviches tueurs,
les fous de Dieu, la sainteté des échafauds, les catéchismes,
les bûchers de Montségur, les leçons de Ténèbres,
la grande peur du buisson noir des femmes et des cheveux défaits !
la Grande Peur du Matin féminin des Béatitudes !
et je prendrai le temps !
le temps de démentir le Grand Soporifique !
qui ne voyait ni les cheminées, ni les fumées,
qui n’entendait ni les cris, ni les trains, ni les chiens !
NI LA VOIX SOUS LA CENDRE
de David et Sarah !
c’est pourquoi, il ne faut plus jamais,
donner de Nom au Grand Silencieux des Ténèbres !
car tant qu’il fera Dieu, le monde pleurera !
mais j’aime les mots de neige, les mots de soie,
les barricades mystérieuses, les mots de neige comme
un sein blanc sous une chemise, les mots du sablier
trichant sur le compte à rebours, les mots d’éternité
physique ! les mots de sable rose et des roses de rêve,
des mots insoumis qui ne marchent pas entre les lignes,
impossibles à coucher !
des mots bleus et blancs comme l’oiseau de Magritte !
peints sur le Ciel par des peuples de Beauté !
Je resterai sur cette Terre, qui est si belle !!!
ni sainte, ni promise, Sol Absolu pour Tous !
Alors ?
Voici des mots pour marcher sur la mer jusqu’à la fin du Monde !
DES MOTS pour l’AN 01 !
voici des mots de blé, de vignes et d’oliviers,
des mots désirants et solaires !
des mots miraculeux !
comme un sein nu sous une chemise…
Tristan Cabral
Ramallah / en Palestine occupée / Noël 2008
Hors Jeu, n° 58, juillet 2009