Sonnet (Anne Osmont)

Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie.
Emportez-moi comme elle, orageux aquilon.

Lamartine, « L'isolement »

Le sang du soir ruisselle en l'or sanglant des vignes,
Dans les pins violets pleure le vent du soir :
Voici l'heure câline où l'on aime s'asseoir
À deux, près de l'étang qu'attriste un vol de cygnes.

Étendu près de moi, vous songez, et vos doigts
Désœuvrés vont froissant quelque tige de menthe
Qui laisse, avec l'odeur savoureuse et mordante,
Sur votre chair, son âme et le regret des bois.

Vous avez pris mon cœur avec la fleur sauvage,
Et, comme elle, effeuillé sur cet obscur rivage,
Il tombe dans l'oubli, comme un bouquet jeté.

Meurtri, mais sans regret vers d'autres destinées,
Il éprouve à mourir une âpre volupté,
Puisque vos chères mains en restent parfumées.

Anne Osmont (1872-1953)