Avril est dans les champs. Mets ta robe d’indienne,
Ton
collier de corail, ton « tignon » de madras
Et
prends, ô Laetitia, la route quotidienne,
Car il me faut
encor l’étreinte de tes bras.
LE POÈME DE LA QUINZAINE
Tous les 15 du mois, une sélection de grands poèmes pour (re)découvrir la poésie de langue française
Laetitia, la noire (Dominique Hippolyte)
Nuages gris (Louis-Henry Durand)
Quelque chose sanglote en mon âme, ce soir,
Ce soir
triste, ce soir douloureux de novembre,
Où les grands
cieux pensifs, sous leurs longs voiles noirs,
Seuls, jettent
leur éclat sombre en la vaste chambre.
Pour Jacqueline (Ida Faubert)
Qu’on parle tout bas : la petite est morte.
Les jolis
yeux clairs sont clos à jamais ;
Et voici déjà
des fleurs qu’on apporte...
Je ne verrai plus l’enfant
que j’aimais.
Mon amour, attendez (Ida Faubert)
Lorsque vous oublierez que vous m’avez tenue
Captive
entre vos mains, comme une chose à vous,
Lorsque vous
serez las de mon amour très doux,
Pour le dire, attendez
que la nuit soit venue.
L’ombre (Damoclès Vieux)
L’ombre calme du soir entre dans ton salon :
N’allume
pas encor ta lampe familière.
Dans tes yeux imprégnés
de ton amour profond,
L’adieu divin du jour laisse un peu
de lumière —
Furcy (Damoclès Vieux)
Un sentier s’étendant rouge sur un plateau ;
Des
pins dressant leur faîte altier sur un coteau ;
Des
mamelons baignés de vapeurs opalines ;
De fins bégonias
fleurissant des collines ;
Tais-toi (Damoclès Vieux)
Ne me dis rien. Tais-toi. Toute parole est vaine.
Je connais
tous les mots de tendresse et de foi
Qu’ont murmurés
des voix chères comme la tienne.
Les mots sont vains et
les serments sont faux. Tais-toi.
Ennui (Etzer Vilaire)
Mon âme est un désert. Une lueur nocturne
Éclaire
à l’infini sa face taciturne.
Pas un son, pas un
bruit, pas une haleine, pas
Un bruit dans le chemin vague où
s’usent mes pas.
Soir triste (Etzer Vilaire)
Les choses, les maisons, tout est silencieux ;
Il pleut. On
ne voit nulle part, sur la route,
Un souvenir (Léon Louhis)
(Les « Icaques ») *
À l’ombre, au fond du bois, dans le sentier étroit,
En jupe bleue et corsage blanc, devant moi,
Tu t’en
allais pieds nus, leste et silencieuse ;
Ah ! que j’avais l’âme joyeuse !
Résignation (Léon Louhis)
Eh bien ! non, cependant, il faut vivre, alors même
Que
le courage est mort et l’espérance à bout,
Vivre
et s’évertuer, vivre en dépit de tout,
Et
porter l’endurance à la limite extrême.
Désolation (Léon Louhis)
Il est des jours d’angoisse et de tristesse amère,
Où l’on se coucherait volontiers pour mourir ;
Où
l’esprit, atterré de l’humaine misère,
Voudrait dans le néant pour toujours s’endormir.
Colomb (Massillon Coicou)
Où le conduira donc la hantise d’un songe ?
Au
fond de la science a sombré sa raison !
Perdu dans le
mystère où son espoir le plonge,
Il croit d’un
nouveau monde entrevoir l’horizon !
Question sociale (Louis Borno)
« Ils m’ont haï sans cause.
»
Saint Jean, XV, 25
I
Ô Christ, les faux savants, parmi leurs vains éclats,
Aveugles, t’ont jeté, comme un défi, leurs
haines.
La Sainte Vérité que tu nous révélas,
L’Évangile épandu de tes lèvres
sereines,
Clair de lune (Louis Borno)
Calme divinité, trônant sur son pilastre,
Sur
mon cœur asservi règne sa beauté brune.
Ultima verba (Alcibiade Pommayrac)
I
Déjà, déjà, pour nous sonne tristement
l’heure
Des suprêmes baisers et des derniers
adieux,
Où plus aucun espoir ne nous berce et nous
leurre,
Où des biens les plus chers on détourne
les yeux !
Le fils du noir (Oswald Durand)
I
Je ne puis plus aimer ; le souffle d’une femme
Ne fera
plus frémir mon cœur maintenant froid,
Car, il a
fui, ce temps où deux yeux en mon âme
Allumaient
un désir mêlé d’un vague effroi :
Au temps (Virginie Sampeur)
Médecin de mon cœur naguère si souffrant,
Qu’as-tu fait de mon mal que je regrette tant ?
Rends-le moi, je t’en prie ;
Rends-moi mon autre vie ;
Le fou de Saint-Marc (Paul Lochard)
L’ombre est partout au fond des choses.
Qui donc sait le secret de Dieu ?
Ces blonds enfants aux lèvres roses,
Que seront-ils sous le ciel bleu ?
Qui sait ce que le sort à
cette heure en ordonne ?
Il fut enfant, maître infini,
Ce fou qui répétait
d’une voix monotone :
« Qu’ai-je fait au bon
Dieu pour être ainsi puni ? »
Les anges au sépulcre (Charles Séguy-Villevaleix)
Quand Jésus, expirant au milieu des ténèbres,
Eut, par trois fois, au ciel jeté ces cris funèbres
Dont tressaillit le Golgotha ;
Quand les femmes longtemps de
pleurs et d’aromate
Eurent baigné ses pieds, vint
Joseph l’Arimathe,
Qui prit le corps et l’emporta.
Fleurs et pleurs (Charles Séguy-Villevaleix)
Manibus date lilia plenis.
Virgile
Père, voici quatre ans que tu dors dans la couche
Que
la commune aïeule offre à tous ses enfants,
Et
depuis quatre ans, père, en vain j’ouvre ma bouche
Car
mon âme toujours, en sa douleur farouche,
Pour te pleurer me refusait des chants.
Le bain (Charles Séguy-Villevaleix)
(Fragment)
Candidior cycnis.
Virgile
C’était l’heure où midi de l’agâme
qui rôde
Fait reluire au soleil l’écaillé
d’émeraude ;
Où le ramier plaintif, fuyant
les feux du jour,
Cherche un réduit secret aux bords
riants de l’onde
Et dans les bois touffus, où la
fraîcheur abonde,
Fait entendre son chant d’amour.
Les vents sur la montagne (Ignace Nau)
(Fragment)
Vents qui venez des champs et dont les pas légers
Font
à peine là-bas, ployer les orangers...
Hélas
! si vous cachez dans les plis de vos ailes
Quelques soupirs
d’amour, ou quelques étincelles
De ce regard
profond qui fait tant d’envieux,
Marie à son enfant (Ignace Nau)
(Fragment)
... Te voilà haletant : assieds-toi sur la mousse.
Le
soleil lutte encor, mais sà clarté s’émousse
;
La surface du lac à l’approche du soir
Brunit,
comme l’azur dont elle est le miroir.
Floranna la fiancée (Coriolan Ardouin)
...
II
Innocence et beauté ! — Toutes à la peau
brune,
Luisante comme l’or à l’éclat
de la lune !
Moins fraîche est la rosée et moins
pur est le miel,
Moins chaste la clarté des étoiles
du ciel !
Floranna, la plus jeune et la plus ingénue,
À Amélia (Coriolan Ardouin)
Le vent frais de la nuit fait palpiter les voiles,
Le marin,
sur les mers t’appelle, Amélia !
Vois comme ton
esquif est couronné d’étoiles,
Dieu te ramènera !
À un ami (Coriolan Ardouin)
La foule est insensible au vieux toit qui s’écroule,
À l’oiseau qui s’envole, au murmure de l’eau
;
Et pour elle le monde est toujours assez beau ;
Le sommeil d’Alaïda (Coriolan Ardouin)
Sur sa natte de jonc qu’aucun souci ne ronge,
Ses
petits bras croisés sur un cœur de cinq ans,
Alaïda
sommeille, heureuse ! et pas un songe
Qui tourmente ses jeunes sens.