« Ils m’ont haï sans cause.
»
Saint Jean, XV, 25
I
Ô Christ, les faux savants, parmi leurs vains éclats,
Aveugles, t’ont jeté, comme un défi, leurs
haines.
La Sainte Vérité que tu nous révélas,
L’Évangile épandu de tes lèvres
sereines,
Tes exemples divins déroulés sous leurs yeux,
Ô
Maître, tes leçons graves et fraternelles,
Ton
cœur si secourable et doux aux malheureux,
Urne de paix
tendue à nos soifs éternelles,
Le sanglant diadème où ton front se meurtrit,
Ton
martyre, la croix, les clous, ton dernier cri,
Rien, hélas,
n’a touché leur stupide colère.
Ils ont prêché les champs, harangué les cités,
Et fous d’orgueil, chassant de partout tes clartés,
Amassé leur venin dans l’âme populaire.
II
Mais voici que soudain l’arbre a donné son fruit ;
Ils ont dit à l’enfant, ils ont dit à la
femme,
À l’ouvrier, au riche, au pauvre, à
tous que l’âme
Est un vain mot, que Dieu n’est
qu’un mythe qui fuit
Devant le regard calme et profond de l’Idée,
Une
chimère, un songe éclos dans nos frayeurs.
Eh
bien ! la foule a cru. La voilà fécondée
Par
vos doctrines, fiers savants, nobles penseurs !
Et l’Europe aujourd’hui chancelle, épouvantée
De voir — hurlant, terrible ainsi qu’une montée
De lave — le courroux du peuple des Souffrants !
Ce peuple avait son Christ, Pain de Concorde, Eau Vive.
Il
n’a plus rien ! Or, vous êtes vainqueurs, très
grands,
Tout puissants ! Parlez. Il veut vivre, il faut qu’il
vive !
Louis Borno (1865-1942)