J’arrive (Cécile Coulon)

Tout se tait autour de moi.
La pluie tombe en silence,
les chiens ont cessé d’aboyer,
ils dorment dans leurs pattes sur les marches du perron.

À une religieuse (Hélène Picard)

Dans l’ombre du parloir, vieille petite sœur,
Je regardais vos yeux à la froide douceur,
Et vos blancs cheveux saints, et votre laideur sainte,
Et votre tempe étroite et si chastement ceinte,
Et votre croix de buis où mourait le Seigneur...

Hymne au bien-aimé (Hélène Picard)

Ô jeune corps de joie où la splendeur circule,
Je te glorifierai dans la vague du blé,
Dans les grands horizons, lorsque le crépuscule
Ouvre une route bleue au silence étoilé.

Je ne veux rien de plus... (Cécile Périn)

Je ne veux rien de plus que reposer mes mains
Sur ton front preste et beau, sur tes lèvres chéries,
Rien de plus que songer : l’heure est douce... et demain
Peut-être sera lourd de lutte et de chagrin.
Ce soir, c’est une pause aux confins de la vie.

Triptyque de ma mort (Valentine de Saint-Point)

Lorsque j’aurai cessé d’interroger en vain, —
Toujours, l’impénétrable et sinistre mystère,
Du chaos au néant, de la graine au levain,
Des hommes et des dieux, du soleil, de la terre,

Le bateau revenant (Paul Castiaux)

Un été unanime en bleu fluide coule
— Calme suprêmement, implacable et serein, —
Sur la Zélande.

Rien : des rêves (Maurice de Noisay)

Rien : des rêves, des rêves flottants et discords,
Des abîmes béants peuplés d’images brèves,
Et plus rien ! et c’est tout ce qui nie reste encor
Des travaux où s’usa ma jeunesse : des rêves !

Le baiser volé (Henri Allorge)

Pardonnez-moi, belle marquise,
Ce baiser que je vous ai pris !
Les parterres étaient fleuris ;
L’air était plein de galantise.

Le fils (Joachim Gasquet)

Je ne veux plus marcher dans la nuit. Je veux croire,
Je veux aimer, prier, adorer. Je veux boire
Aux sources de la vie, aux sources du pardon.
Prenez-moi tout entier, mon Dieu, je vous fais don

L’adieu (Véga)

Le soir viendra, soir de ma vie ardente et brève ;
Malgré le beau soleil, déjà je le pressens :
Il me faudra bientôt m’éveiller de mon rêve.

Rêverie (Théo Varlet)

Berger las du troupeau sentimental des heures
Solaires au Brocken nu des nuits spirituelles,
Sur le fond merveilleux des cieux intérieurs,
Je regarde monter mon Ombre essentielle.

La mort du poète (Paul-Hubert)

(Fragment)


J’ai vécu de la Ville et mourrai de sa mort
Pour avoir oublié la terre maternelle,
Qui jadis me berça sous ses horizons d’or
Près de la mer vibrante aux rumeurs éternelles.

Les mots que je t’ai dits, d’autres te les diront (André Foulon de Vaulx)

Les mots que je t’ai dits, d’autres te les diront ;
Les mots que tu m’as dits, tu les diras à d’autres :
Leurs caresses viendront, trop semblables aux nôtres,
Effacer les baisers que j’ai mis sur ton front.

Au carrefour de la douleur (Albert Fleury)

Au Révérend Père B... et à Francis Jammes


Me voici donc, Seigneur, enveloppé de vous !
L’ombre de votre main pèse sur ma pauvre âme ;
Et comme en une cage ardente un lion fou
      Mon être est cerné par vos flammes.

Virginius (Eugène Hollande)

(Fragment)

À Firmin Roz

« Inanité des vies d’extase, de synthèse, de quiétisme. »
J.-H. Rosny

I

La nuit retient son souffle et pose ses ténèbres
Comme un manteau sans pli sur de sèches vertèbres,
Aux angles d’un château que baigne un morne étang.

Vers pour André Ibels (C.-M. Savarit)

Au haut des mâts, prenez les ris, ô matelots !
C’est trop lontemps se mesurer à la tempête :
De plus forts ont lutté sur qui roulent les flots,
Car la révolte est brève ainsi qu’un jour de fête.

Le livre prophétique - XXXVII (André Ibels)

Le Parc, au clair de lune agonisant, offert
Comme une Vierge chaste aux baisers de l’Époux,
Déploie en s’étalant et son torse et sa chair,
Rêvant l’étreinte blanche et nocturne à son cou ;

A.S.C. (Claude Hopil)

Heureux le jour fatal où ton astre vainqueur
Charma si dextrement mon âme volontaire,
Heureux cent fois ce jour que je fête en mon cœur,
Qui dès lors à tes yeux se rendit tributaire.

Stances (Claude Hopil)

Que me sert-il d’aimer une Dame amoureuse,
Dont les yeux m’ont su vaincre et me rendre vainqueur,
Puisque pour m’affliger la fortune ennuyeuse
Me prive sans espoir des appâts de mon cœur ?

Pour une dame ingrate (Claude Hopil)

Hélas ! que dira-t-on d’une âme si volage,
Les songes et le vent ressemblent à sa foi,
Je crois qu'elle songeait en me donnant la loi,
Ou le vent d’inconstance agitait son courage.

Cantique LXXV (Claude Hopil)

Non, je n’ai plus de cœur, d’esprit ni de mémoire
Depuis l’heureuse nuit que j’entrevis la gloire
       Du Monarque d’amour,
Nuit devant qui mes jours ne sont qu’une vaine ombre,
       (Nuit plus claire qu’un jour)
Des jours de Paradis, je veux te mettre au nombre.