Pour une dame ingrate (Claude Hopil)

Hélas ! que dira-t-on d’une âme si volage,
Les songes et le vent ressemblent à sa foi,
Je crois qu'elle songeait en me donnant la loi,
Ou le vent d’inconstance agitait son courage.

Son humeur, qui n’est rien qu’une métamorphose.
Sa beauté, qui ne vit que d’infidélité,
Honteuse a tourné tête à ma fidélité :
Elle se sert des cœurs comme on fait d’une rose.

Si mon cœur en médit, sa cruauté l’excuse,
Si sa rigueur me blâme, hé ! n’est-ce pas à tort ?
Si mon cœur brille encore, elle cause ma mort,
Qu’on ne m’accuse point aussi si je l’accuse.

En vain je la servais, en vain j’étais fidèle,
En vain je consumais mes beaux jours à l’aimer,
En vain je ne voulus d’une autre m’allumer,
Mais vaine fut ma foi, car elle est infidèle.

Et bien, j’ai triomphé de ma vive constance,
J’ai remporté l’honneur au champ de fermeté,
Et si je suis vaincu de sa légèreté,
Elle accepte la honte au prix de l’inconstance.

Au point que sa beauté favorisait ma peine,
Brûlant, je ne pouvais l’aimer qu'extrêmement,
Mais son volage esprit fit naître un changement,
Dont mon âme conçut une immortelle haine.



Claude Hopil, « Élégies », Mélange de poésies
(publié en annexe de ses Œuvres chrétiennes), 1603