Le poème de la quinzaine / octobre 2022

Le moderne :

Claude Cailleau, Retour au Port-Louis

Sur la digue le soir, des silhouettes tanguent comme autrefois dans mon souvenir. Le vent venu avec le flux lève l’odeur du goémon épaissi de ténèbres.
C’était dans les années soixante. Ils habitaient une petite maison blanche, tout au bout de la digue, face aux colères de l’hiver. Les soirs de tempête, les murs et les toits enveloppés d’embruns luisaient sinistrement ; et l’on aurait juré que, dans l’ombre fluide, la mer franchissait le rempart des maisons.
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L’ancien :

Louis Aragon, Elsa au miroir

C’était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C’était au beau milieu de notre tragédie
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La trouvaille :

Lazare de Selve, Sur le passage du torrent de Cédron

Tandis que le torrent des passions mondaines
Emporte nos esprits dans la mer des malheurs,
Le Sauveur pour souffrir un torrent de douleurs
Traverse du torrent les ondes inhumaines.
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Le poème de la quinzaine / septembre 2022

Le moderne :

Édouard Glissant, Le grand midi

Puis le soleil, ce seul royaume. Qui était la terre d’enfance, qui l’est si simplement. Tout ce temps blessé, pour en venir au secret du sel qu’une île porte. C’est grande ambition de vouloir qualifier le temps. Chacun ne fait que tendre cet espace en lui, où se résume son mot, où sa lumière bruit.
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L’ancien :

François de Malherbe, Sur la mort de son fils

Que mon fils ait perdu sa dépouille mortelle,
Ce fils qui fut si brave, et que j’aimai si fort,
Je ne l’impute point à l’injure du sort,
Puisque finir à l’homme est chose naturelle.
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La trouvaille :

Pierre Emmanuel, Babel (extrait)

Car ce jour est un jour d’années : le jour de toutes tes années.
Tu n’es assis que depuis une heure et c’est déjà ton plein été
Déjà le premier soleil roux, le fruit mûr à la pulpe d’automne
Il te faudra mourir tout à l’heure : vaut-il la peine de courir de-ci de-là
Pour expirer sur un lit de hasard ou en chemin vers l’ultime mirage ?
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Le poème de la quinzaine / août 2022

Le moderne :

Jean Pérol, Comme est loin la montagne

Comme est loin la montagne où tu fus de ce monde
comme est loin l’incendie le satin des grands lacs
le corps en est déjà frappé et perd son peu de force
d’être déjà si loin de ce qui fut si neuf
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L’ancien :

Joachim du Bellay, Le marinier

Comme le marinier, que le cruel orage
A longtemps agité dessus la haute mer,
Ayant finalement à force de ramer
Garanti son vaisseau du danger du naufrage
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La trouvaille :

Hélène Picard, La Vie

Je crus à la fierté d’un certain déshonneur,
Aux ferveurs de vermouth, aux rêves des lanternes
À ce rouge as d’amour, à ce riche as de cœur
Beau comme l’incendie, l’échafaud, les casernes…
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Le poème de la quinzaine / juillet 2022

Le moderne :

Jean-Yves Masson, Es ist worden spät

Nous sommes venus tard et les chemins mentaient
qui promettaient une lumière au prix des cendres.
Les routes étaient sombres et les forêts brûlaient
là-bas, dans le déclin du jour amer.
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L’ancien :

Saint-John Perse, Etroits sont les vaisseaux

Amants, ô tard venus parmi les marbres et les bronzes, dans l’allongement des premiers feux du soir,
Amants qui vous taisiez au sein des foules étrangères,
Vous témoignerez aussi ce soir en l’honneur de la Mer
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La trouvaille :

Rosemonde Gérard, Le sommeil

Tout s’endort à son tour : le nuage et la branche,
La fleur, à l’instant même où respire le fruit,
La semaine, aussitôt que sonne le dimanche,
L’été, pendant l’hiver, le jour, pendant la nuit.
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Le poème de la quinzaine / juin 2022

Le moderne :

Jacques Réda, Amen

Nul seigneur je n’appelle, et pas de clarté dans la nuit.
La mort qu’il me faudra contre moi, dans ma chair, prendre comme une femme,
Est la pierre d’humilité que je dois toucher en esprit,
Le degré le plus bas, la séparation intolérable
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L’ancien :

Charles Baudelaire, À une passante

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet
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La trouvaille :

Gabrielle Basset d’Auriac, La belle au bois dormant

Que j’ai longtemps dormi !.. Dix ans, cent ans peut-être ?
Quel baiser a touché mes lèvres et mes yeux ?
Comme le jour est pur ! Qu’on ouvre la fenêtre !
Comme j’avais perdu le souvenir des cieux !
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Le poème de la quinzaine / mai 2022

Le moderne :

Ile Eniger, D’une île, l’autre

J’échappe. Je ne suis à personne. Fugitive dans ma maison. J’écris la terre, mon nom en bas.
Rails, histoires truquées, petites attitudes, petites certitudes, pauvres engagements, gestes étriqués, mensonges hideux, je laisse.
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L’ancien :

Estienne Jodelle, Comme un qui s’est perdu

Comme un qui s’est perdu dans la forest profonde
Loing de chemin, d’oree et d’adresse, et de gens :
Comme un qui en la mer grosse d’horribles vens,
Se voit presque engloutir des grans vagues de l’onde
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La trouvaille :

Ary Renan, Vers l’idéal

Voici l’hiver sur nous, et la mer qui se fane
A perdu sa couleur comme un beau champ de lin,
La tourmente a voilé le miroir opalin
Des golfes, et terni leur émail diaphane.
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Le poème de la quinzaine / février 2022

Le moderne :

Jean-Claude Villain, Treize stations

Tu tends vers la cime de ton arbre. On t’a scié les branches. Tu n’es plus que l’échalas de toi tendu vers le ciel. Tes pousses elles-mêmes coupées. Lit de fertile pourriture.
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L’ancien :

Alfred de Musset, Lucie

Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
À la terre où je dormirai
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La trouvaille :

Marie de Régnier, Petite morte

Sur ton sein ténébreux, enfant triste endormie,
Ô Terre ! je repose, et serre entre mes bras
La poupée aux yeux peints qui fut ma seule amie
Et qui sait mes secrets, qu’elle ne dira pas.
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Le poème de la quinzaine / janvier 2022

Le moderne :

Quentin Baffreau, Nuit

Fenêtre de la nuit d’où naissent les montagnes.
Le chêne dévoile en même temps le grimpereau sur le tronc et la rosace qui conquiert la couleur sur le mur.
Le manège s’éteint. On n'entend plus qu'un sifflement d'enfant.
Devenir noir, les roches brunes, la dérobée de la terre dans l’oubli.
La nuit monte.
Source

L’ancien :

Marceline Desbordes-Valmore, Les roses de Saadi

J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n’ont pu les contenir.
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La trouvaille :

Rainer Maria Rilke, Quatrain Valaisan

Pays silencieux dont les prophètes se taisent,
pays qui prépare son vin ;
où les collines sentent encore la Genèse
et ne craignent pas la fin !
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