Un été unanime en bleu fluide coule
— Calme suprêmement, implacable et serein, —
Sur la Zélande.
Et la nuit
Suavement promène aux voûtes infinie
Le cosmique cortège en lait d’or des étoiles.
Sur le port endormi, les épis des mâtures
Grèvent de mille épées le ciel tout blanc
de lune :
Et le village noir aux maisons irréelles
S’accroupit sur le flanc des dunes qui déferlent.
Au bout du long chenal charriant du métal,
Vers les clignotements des lumières de l’île
S’élargit, énorme, l’estuaire.
Un steamer incendiaire, sifflant vers les havres,
S’essouffle et ahane
En respiration saccadée
de machine,
Au large.
L’immatérielle plage en luisances de
gel
S’étale ; — et des mouettes au
repos
Piaulent aigrement des appels et des cris.
Un Phare,
Infiniment lointain aux ultimes
Zélandes,
Éventre de sa gerbe
La nuit.
Stupeur :
Fantomal et glissant sur la
mer de silence,
Cambrant toutes ses voiles sur le ciel,
Le
Bateau-Revenant des nuits ésotériques !
Vers la lune,
Large roue d’or virant
sur le sable des astres,
Le Bateau-Revenant pointe superbement
Son foc, tel un cheval cabré de Walkyrie.
La voile en un cri clair se plie au long des
mâts ;
Énormément glissant sur la mer
immobile,
Le Bateau-Revenant des cités d’or du
rêve,
Le Bateau a cassé l’argent du clair de
lune...
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Et maintenant tout le silence sur la mer,
Tous
les silences bleus et toutes les extases
Sur la mer
éternellement belle des nuits
Qui pâme infiniment
vers l’azur sa chair nue.
Paul Castiaux, Au Long des Terrasses, 1905