Les mots que je t’ai dits, d’autres te
les diront ;
Les mots que tu m’as dits, tu les diras
à d’autres :
Leurs caresses viendront, trop
semblables aux nôtres,
Effacer les baisers que j’ai
mis sur ton front.
Tu prendras d’autres cœurs au bleu de
tes prunelles ;
D’autres, pour fuir un âpre et
morne isolement,
Voudront nouer entre eux et toi, naïvement,
Des lianes d’amour qu’ils croiront éternelles.
Oubliant le passé, tu leur appartiendras.
De la même langueur qui consumait ta bouche
Lorsque
je te pressais en un élan farouche,
Tu laisseras ta
chair défaillir dans leurs bras.
Cette lèvre, aujourd’hui câline,
qui m’embrasse,
Avec le même amour s’appuiera
sur la leur.
Ta joue aura la même adorable pâleur ;
L’abandon de ton corps aura la même grâce.
Quand ils enlaceront ce corps à le briser,
Tes sens auront le même émoi sous leur caresse ;
Le même abattement qui suivait notre ivresse
Suivra
pareillement votre triste baiser.
Et, pendant ce temps-là, j’étreindrai
d’autres femmes.
Et ton corps et le mien, jadis tant
enserrés,
L’un de l’autre pourtant seront
moins séparés
Qu’au plus fort de l’amour
ne le furent nos âmes.
André Foulon de Vaulx, La Fontaine de Diane, 1910