...
II
Innocence et beauté ! — Toutes à la peau
brune,
Luisante comme l’or à l’éclat
de la lune !
Moins fraîche est la rosée et moins
pur est le miel,
Moins chaste la clarté des étoiles
du ciel !
Floranna, la plus jeune et la plus ingénue,
Laisse voir sur ses traits son âme toute nue ;
Car
la vierge rougit d’ivresse et de pudeur,
Car les
pulsations de son candide cœur
Disent que Floranna, d’une
douce pensée,
Comme l’onde des mers, cette nuit
est bercée.
Des roses, des jasmins embaument ses cheveux
;
Et de même qu’on voit sur un lac aux flots bleus
S’incliner mollement les longs rameaux du saule,
Sa
chevelure ainsi flotte sur son épaule !
Oh ! chez elle
pourquoi cette molle langueur,
Ces craintes et ce front penché
comme une fleur
Que la brise toucha de son aile amoureuse ?
Ah
! c’est que Floranna, la fiancée heureuse,
Demain
verra briller le jour de son hymen :
De là, ces
battements précipités du sein,
Et ce regard voilé
qui se lève et qui tombe,
Et cette rêverie où
son âme succombe !
Quand elle dormira, mille songes dorés
Lui montreront la fête, et les guerriers parés,
Et ses joyeuses sœurs, abeilles des allées,
Lui
composant un lit de ce que les vallées,
Les plaines ou
les monts ont de parfums exquis
Pour embaumer l’azur et
la brise des nuits.
Oh ! qu’un ange debout la contemple
et la veille !
Qu’elle rêve en silence, et qu’elle
se réveille
À la voix des oiseaux chantant l’aube
du jour,
Heureuse ainsi, vivant de rosée et d’amour
!
Coriolan Ardouin, Reliquiae, 1837