Les anges au sépulcre (Charles Séguy-Villevaleix)

Quand Jésus, expirant au milieu des ténèbres,
Eut, par trois fois, au ciel jeté ces cris funèbres
              Dont tressaillit le Golgotha ;
Quand les femmes longtemps de pleurs et d’aromate
Eurent baigné ses pieds, vint Joseph l’Arimathe,
              Qui prit le corps et l’emporta.

Alors, dans un sépulcre, — ô spectacle qui navre ! —
Tout sanglant et meurtri l’on coucha le cadavre
              Enveloppé d’un blanc linceul.
Chacun vint à son tour lui baiser la paupière ;
Et puis l’on entendit retomber une pierre ;
              Puis il fallut le laisser seul.

Mais le sabbat passé, quand la troisième aurore
Eut paru, désirant de le revoir encore,
              Marthe, Marie et Salomé,
D’un flambeau filial guidant leurs pas dans l’ombre,
Toutes trois s’avançaient vers le sépulcre sombre
              Où dormait Jésus embaumé.

Or, voici que soudain, détaché de la tombe
Qu’il scellait, le bloc glisse et devant elles tombe
              Avec un long gémissement :
Aux froids degrés assis et le front ceint d’étoiles
Deux anges ont brillé, si muets sous leurs voiles
              Qu’ils semblent en ravissement.

Les trois femmes tremblaient d’avancer sous le porche,
En voyant dans leurs mains la lueur de la torche
              Pâlir devant tant de clarté.
L’un des anges alors, se voilant de ses ailes :
« Ne craignez rien, dit-il, vous, ses filles fidèles :
              Sachez qu’il est ressuscité. »

Et son doigt leur montrait l’Orient plein de flammes.
L’autre ange, tout en pleurs, se taisait. Les trois femmes
              Songèrent à s’en revenir :
Car leur cœur n’avait plus qu’une douce souffrance,
De ces deux visions l’une était l’Espérance,
              Mais l’autre avait nom : Souvenir.



Charles Séguy-Villevaleix (1835-1923)