(Fragment)
Candidior cycnis.
Virgile
C’était l’heure où midi de l’agâme
qui rôde
Fait reluire au soleil l’écaillé
d’émeraude ;
Où le ramier plaintif, fuyant
les feux du jour,
Cherche un réduit secret aux bords
riants de l’onde
Et dans les bois touffus, où la
fraîcheur abonde,
Fait entendre son chant d’amour.
Dora prit le sentier que la liane encombre,
Et, rêveuse,
elle vint des manguiers chercher l’ombre.
Le gazon à
la vierge offrait son lit de fleurs ;
Sur les cailloux
d’argent, avec une voix douce,
La source bouillonnait
sous le dômç de mousse,
Sous le dôme où coulent ses pleurs.
La créole enfin peut, sans crainte qu’on la voie,
Laisser pendre au buisson ses longs habits de soie,
Aux
reflets chatoyants... moins que ceux du bassin
Où les
rayons brisés s’égrènent en étoiles
!
La voilà, sous le ciel, qui frissonne sans voiles,
Les doigts ramenés
vers son sein.
Craintive, elle a déjà, dans l’onde qui se
moire,
Presqu’à demi trempé ses petits
pieds d’ivoire.
Mais soudain, reflétée au
pur cristal de l’eau,
Elle voit s’allonger sa
hanche qui se cambre,
Et, rouge, d’un seul bond, la fille
aux cheveux d’ambre
Efface le riant tableau.
Longtemps, sous le rideau qu’a tissé la liane,
La
vierge folâtra comme autrefois Diane,
Sans songer
qu’Actéon pouvait l’apercevoir...
Elle
sortit du bain et chaque gouttelette
Qui constelle, en
glissant, sa gorge violette,
Paraît un diamant du soir.
Charles Séguy-Villevaleix (1835-1923)