Avril est dans les champs. Mets ta robe d’indienne,
Ton
collier de corail, ton « tignon » de madras
Et
prends, ô Laetitia, la route quotidienne,
Car il me faut
encor l’étreinte de tes bras.
Tu me rencontreras, vêtu de ma vareuse,
Un foulard à
mon cou noué, la pipe aux dents,
Tu me rencontreras sur
la route poudreuse,
Au bord de mon jardin que fleurit le
printemps.
Je verrai de très loin l’éclat de tes dents
blanches
Dans ta face camuse et couleur de la nuit ;
Sous
les avocatiers aux verdoyantes branches,
Nous irons savourer
l’amour comme un beau fruit.
Dans l’ivresse où, ce soir, je veux que tu me
plonges,
— Ô négresse dont l’âme
est pleine de douceur —
Longtemps tu me feras oublier les
mensonges
Dont savent me bercer, moins naïves, tes sœurs.
Dominique Hippolyte (1889-1967), Les Chansons du Cœur