Ennui (Etzer Vilaire)

Mon âme est un désert. Une lueur nocturne
Éclaire à l’infini sa face taciturne.
Pas un son, pas un bruit, pas une haleine, pas
Un bruit dans le chemin vague où s’usent mes pas.

Goutte à goutte, le ciel a tari sa vieille urne
Pour la terre altérée et marâtre, Saturne
Dévorant ses enfants mort-nés. Tout seul, hélas !
Je vis pour contempler l’universel trépas.

Je vais, ayant le cœur usé d’un centenaire.
Ma vie en ces lieux morts plus qu’un site lunaire,
C’est l’insomnie au sein d’une éternelle nuit.

Ô monde aride et terne, où l’avare atmosphère
S’étend comme un désert sur un désert !... Que faire
En cette immensité de glacial ennui ?



Etzer Vilaire, Les Poèmes de la Mort (1898-1905)