Nuit spirituelle (Lydie Dattas)

J’écris d’un lieu désertique où la pensée n’a jamais soufflé, où elle ne soufflera jamais : faite pour la Nuit, je ne découvrirai aucune étoile, aucun monde inconnu, je ne conquerrai aucun sommet, ne créerai aucun langage, car tout ce qui m’appartient est mort, et mon royaume, désert comme le plaisir n’est que néant... Chassée du paradis spirituel, exilée de la beauté — celle-ci ne pouvant être que morale —, vers des contrées toujours plus sombres et plus dénuées d’âme, vouée à de honteuses ténèbres quand l’homme le plus misérable — le plus privé de conscience — peut encore se nourrir de chimères et de rêves, il me faut poursuivre, sans aucun espoir de l’interrompre jamais, une éternelle errance hors du spirituel.


Lydie Dattas, La Nuit spirituelle, Arfuyen, 1996