D’Elle question… (Claude Cailleau)

Narratif 1 (fragment)

Il y a de la pluie, toujours, dans les regards perdus. Des lointains, une voix qui appelle. C’est Elle. Je l’ai vue qui venait sur le revers trouble du jour. Elle. Qui venait, incertaine, qu’apaise un souvenir. Mais s’en va…

D’Elle question toujours. Ah la mémoire !

C’était en d’autres temps. On ne sait pas. On ne sait plus. Elle marche dans sa peau, tranquille. Vieille, vieille (à la main le panier de roses défleuries, mortes dans le matin). Ah le pas qui chemine ! Elle a vécu, longtemps. Longtemps,vieille, vieille. Veille encore dans la ville indifférente. Le bitume… Portait le bouquet de lilas par les rues, pour l’amitié qui passe. Qui a passé. Morte sans doute. Le temps… La ville indifférente, oui. Elle, ses pas la mènent au-dedans d’Elle-même. Autour de l’être qui interroge. Sait-on si le jour se souvient encore ?

D’Elle question toujours. Ah la mémoire !

Le lit du temps l’accueille. A-t-Elle encore de l’âme ? La ruelle est sombre. Les lampadaires ont fermé les yeux sur la tendresse de la nuit. Elle, son souvenir chante dans le désert de vivre. Elle boit les mots qui sortent de la plume et passent dans le vent. Et remontent les âges. L’orage plombe gris velours le ciel sur la maison.

Entre les doigts, le sable coule, coule, et l’hiver nous oublie. Que dire de ce chant qui venait dans le vent et la pluie brasillante sous le feu de l’orage ? Rien, non rien. Mais…

D’Elle encore. Oui, d’Elle. Ah la mémoire !

Claude Cailleau, paru dans la revue « 7 à dire »


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