Quelquefois le désir... (Amélie Murat)

Quelquefois le désir oublié me réclame,
Quand mon front, lourd d'avoir pensé, pèse à ma main,
De céder au penchant de mon cœur féminin,
Et de n'être, à côté d'un époux, qu'une femme...

D'être celle par qui sont prévus et réglés
Les soins d'une maison heureuse, ample ou modeste,
Et dont les doigts sont beaux et fiers quand sur leur geste,
Avec l'or des anneaux, brille l'acier des clés.

Celle qui sait garder dans les armoires closes
Le linge intact et frais reposé dans ses plis,
Qui, de roses tenant tous les vases emplis,
Pour les sachets futurs conserve encor des roses ;

Celle qui, prête au bon accueil, le soir venu,
L'éclairé de la lampe afin de rester blonde,
Puis, son cœur nuptial comptant chaque seconde,
Attend que le perron sonne d'un pas connu...

Qui s'étant regardée à la glace, se lève,
Offre ses bras, son front, ses lèvres et ses yeux,
Et goûte le bonheur simple et délicieux
De posséder l'amour ailleurs que dans son rêve!


Amélie Murat, Le Livre de Poésie, 1912


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