Souveraine (Véronique Bergen)

À Michèle

... Souveraine arrêtée muselière sous la pluie
Pétrifiée dans une débauche de couleurs,
courtisane du regret le long d’une rouge mélodie

Souveraine hétaïre couchée aux pieds du tyran,
sabre perforant les fronts, morsure – saphique – à même la vie,
Souveraine d’un pays en absence
Et de songes bleus comme la mer intrigante

Souveraine d’une temporalité effacée,
esclave du pulsé et du strié,
surfeuse de morphine, lisse et ductile

Souveraine au corps échancré,
assise sur l’aurore du crime,
en quête, fiévreuse, de tous les levers mondains

Souveraine aux lèvres tendres comme la pomme de Cézanne,
le temps trie sa ribambelle, corroie ses charniers,
Souveraine de minuit exaucé,
promesse tenue de l’aventure d’Igitur,
gardienne du temple devant le charnel.

Le 26 janvier 1993


Véronique Bergen, L’obsidienne rêve l’obscur, L’Ambedui, 1998