Trois nénies (Jacques Richard)

1

cendre que tu es cendre
dans le gazon fondu
tu es cendre fondue
ton sourire tes yeux
qui pleuvaient jour à jour

qui répétaient le ciel
l’herbe plus verte ici
et récitaient là-bas
où c’était oh c’était

cendre que tu es cendre
tu coules en rigoles
entre les pieds des gens
goutte à goutte passant

théorie rouge et bleue
et rose et blonde et brune
étirée moi à moi
qui pleuvent jour à jour

musique noire musique
moire du temps échu
mélangée nuit à nuit
à ta cendre fondue
ton sourire tes yeux

2

sur la chaise navrée
au tréfonds oublié
d’herbes repoussées noires
au clinquant de la nuit
assise

sur la chaise inutile
l’inutile clarté
la présence navrée
dans l’inutile attente
assise

la chaise là nous plus
vide sur l’herbe noire
au milieu du halo
de son incongruité
assise

3

mais pas sans toi
oh pas sans toi

elle ne sait rien
elle ne sait pas

ce que c’est toi
elle ne sait pas

ce que c’est nous
elle ne sait pas

que tu sais tout
que tu es tout

elle ne sait pas
que prendre l’un

c’est prendre l’autre
elle ne sait pas

où elle a mis
ceux qu’elle a pris

les a perdus
même pas sa faute

puisqu’elle ne sait
rien d’autre qu’elle

alors vois-tu
il ne faut pas

dis-lui que non
redis-moi oui

le soleil pend
seul sur la rue

tout est parti
le vent de ce

qu’on voulait dire
ton ombre aussi

la mienne traîne
encore un peu

mais pas sans toi
oh pas sans toi


Jacques Richard, avril 2020