... Oremus !... Oremus !... — Tryphine
S’est endormie en son lit clos.
Aussi blonds que la paille fine,
Ses cheveux coulent à longs flots
Sur la nacre de sa poitrine.
Je voudrais être à son côté,
Et prier devant sa beauté.
— « Quand vous reviendrez, soyez prêtre ! »
M’a dit ma mère... Hélas ! Hélas !
Mon cœur n’a qu’un rêve, et c’est d’être
L’oiseau qui chante à Keranglaz,
Sur le rebord de la fenêtre !
Mon cœur ne sait plus, nuit et jour,
Que chanter la chanson d’amour !
***
Les étoiles, comme un essaim d’abeilles blondes,
Butinent dans l’espace un mystérieux miel ;
La lune, lis d’argent, du sein des nuits profondes,
S’élève, et sa blancheur a le parfum du ciel.
Un nuage promène au loin sa robe d’ange.
Au fond du firmament il s’est agenouillé ;
Il prie, et sa prière exhale un charme étrange,
Car d’un pleur inconnu mon regard s’est mouillé ;
Et je ne sais sur qui route mon âme pleure...
À l’horloge de ville une cloche a tinté,
Si lente, qu’on eût dit qu’au lieu de sonner l’heure
Elle sonnait la mort du temps l’éternité !
Anatole Le Braz, Tryphina Keranglaz, 1892