Hampes de l’hallali qui me chassez du soir
Je fuis mais j’entraîne en flanc-garde
Sous
le regard des flaques
Une rafale radieuse d’hirondelles !
(Émondes et matins !
Nébuleuses
! Lilas.
Tempêtes dépêchées sur mes
pas !)
I
Au creux de mon épaule une femme a peut-être abandonné le blé d’un été de tempête.
Au creux de mon épaule l’éclat d’une tempête,
La nuit pure et l’éclat d’une pure tempête ont peut-être crié que je ne vivais point.
Le secret que je fonde ne me répondra rien.
... Il est tard dans le jour. Une voix périlleuse
Laisse monter des mots vers les andains en feu.
Noir
l’espace sévère enchantement des dieux
Inondé
de forêts l’âge frangé d’écume
Redit d’une haleinée l’ode de la lumière
Douce qui se défie du jour mystérieux...
Et c’est la nuit du fleuve qui n’a plus de nom.
L’effritement, la mort des saisons et des plaines.
La folie de la plaine foulant dans le ciel fin
Le
ravin monotone où croissaient les matins.
*
(Mes yeux m’ont demandé, j’ai
demandé aux pierres
Quelle force nous lie à
l’effroi des rivières.
La mer m’a répondu
d’un seul chant de rivière,
Un inonde amoncelé
m’a parcouru soudain...)
II
Le temps au dos comme un enfant je m’enfuis
en riant pour fatiguer mon ombre.
Ombre d’enfant rire du
temps je ne fatigue pas mon ombre.
Le temps au dos comme un
enfant je ne suis plus
Vêtu que de blanc je vais nu.
Je
ne déchiffre plus l’exergue solitaire de la vergue
têtue...
(Je cherche l’ombre qui me garde ; ses
fourrés étincelants.
Le temps qui luit comme un
peu d’ombre. À
la retombée le printemps.)
III
Quelqu’un marche là-bas. Je vois
marcher quelqu’un.
Quelqu’un marche là-bas
sur sa fauchée, quelqu’un
Quelqu’un,
quelqu’un là-bas !
(Ô prévisible jour où le jour
se déverse,
Tempête incestueuse qui gronde entre
mes bras !)
Ô mots de ma voix lourde de possibles
psaumes
(Adieu amour)
Ô mots vous chantez tous dans
ce cri qui s’en va.
Adieu amour vous pouviez être ma sagesse.
*
Le vent fertile messager le vent et sa fraîcheur
de gave
Les sept couleurs crucifiées la pluie tendue
comme une jarre
Taillent des portulans de ponce, tissent des
mers dans la clarté
De cet amour que mon amour a refusé.
Pierre Oster, Le champ de mai, Gallimard, 1955