Quis in igne positus
Igne
non uratur ?
L’Archipoète
I
Aux plus hautes collines.
Aux plus hautes collines,
Un cheval, et la
mer !
Ah ! le taillis est sourd,
Où j’ai
blotti la plaine !
Qui oserait crier ?
*
La nymphée vide.
Aboi du roc.
Ô mon regard !
Angoisse blanche.
Aucun soleil.
Images blanches...
Ô blanc soleil !
Mais quel sabot
A renversé
L’Éternité
De mon côté ?
*
Pierres dans le soleil !
Rafale de soleils !
(Ô paresse des monts,
Une vallée
expire
Au gué de mon haleine !)
II
Quelle justice meurt aux joncs
Ces joncs
reculent quel Érèbe
Arbre qui brûle avec
les joncs
Quelle justice jouvencelle ?
III
Dans l’arène d’un cri
Le
jour baisse le mufle
Dans l’arène d’un cri
Il naît à sa couleur.
IV
Ô jour qui te ris
Je te connais nu :
Je t’entends souffrir
Du haut du matin.
(Qui pille ses rives ?)
Silence de tout.
Ah ! tout revivra.
Le
vent de justice
Redescend en croupe.
(Ô rives pillées !)
Jusant, cavalier,
Pique sur la lune
Et
reviens-nous en
Tout éternité.
*
Où est le vent
Où est
l’épine ?
(Haute tempête,
Détourne-moi!)
V
Chiffré. Comme de pierre.
Épris
de mes raisons.
Chiffré. Te dédaignant,
Souffle
vide des lances.
Chiffré. Comme de givre,
Ô
glabelle givrée !
*
Été désenvergué
Que
me recouvres-tu
Sur le pont de l’hiver
Je ne me
souviens pas.
*
Ne redis point le ciel
Le vent ni les
oiseaux
L’eau est noire d’hommages
L’espace
est souverain.
*
Bâtir en un regard
Ton sépulcre
Soleil
Te déchirer de face
Ô temps battu de
temps.
*
Quelles cohortes foulent
Le délai
lumineux
Du monde ? Volis Septembre
Vous Mars tissez vos
tentes.
VI
Le ciel respire
Et se défait
De
son image
Son chant dessine
Frète des îles
À perdre vent.
Est-ce mourir
Que de peser
Comme une
grappe
Quand tu n’es plus
Sous les moissines
Ô Nuit enfant !
*
L’eau de midi
Porte le jour
Et
le séduit.
(Lumière tu souffres
La lumière
fuit !)
Balafres d’écume
Rires de la
mer
Qui vous lavera ?
Poternes noyées
Bavent les pendus.
*
Et je compte mes doigts.
Je m’initie :
au Monde.
Il grandit et je pleus,
Je neige sur la nuit !
*
(Nuit fêtée comme une plaine.
Buis de toutes les buissaies.)
VII
Une flaque obscurcit
La marelle du ciel
Un
visage bondit
Un visage bondit
S’ouvre sous mon visage
Déchire mes racines
Et me nomme Ravin.
VIII
Je ne regarde pas je ne dis presque rien.
Terre tu es creusée auprès d’une fontaine.
Et si la nuit affleure.
Si le cerf se résigne.
Perlure de ses bois dans l’absence des feuilles.
*
La rose brille !
Bel estuaire,
Ouvre et laboure !
La rose est comme une eau qui disparaîtrait.
La rose a la fraîcheur de l’eau qui disparaît.
*
C’est la raison qui rêve
Raison
ah rêve-moi.
Terre d’où je m’endors.
Mystère voyageur...
IX
Mais le jour se soulève.
Et son
nouveau visage
Est la nouvelle image
De mon nouvel amour.
Et le mascaret gonfle.
Faire une seule feuille
De tous les champs
du monde.
X
Une rose étouffée.
Une tempête
instruite.
(L’espace braconné.)
Pierre Oster, Le champ de mai, Gallimard, 1955