Le prisme du canal parachevé de morts insensiblement dresse les fûts abattus de part et d’autre de l’allée liquide. Loin en aval il coule un vent blafard coupant, répercuté entre les souches, offert aux tourbillons épais, les cimes entrechoquées tombent drues à la naissance des dérives. Les branches en chevelures, en gigantesques griffes basculent, tournoient longtemps par devers les reflets éclipsés, sourdent des fonds les plus limpides par pans d’algues, de varechs arborescents drainés.
Le chemin de halage tangue bas incliné, rampant sous la pression d`une irrépressible chute, s’enfonce sous les couverts, la porte noire du bief, au croisillon emmuré entr’ouvert. Sur la flottille des feuilles s’érigent les spectres d’antan, les maléfices hors mémoire.
Jean-Claude Demay, in Vagabondages n° 52, octobre 1983