Tu reviendras ce soir, portant des fleurs
sauvages,
Par les chemins de l’ombre où les arbres
sont bleus,
Et, voilant les reflets des fuyants paysages,
Tout
le grand crépuscule assombrira tes yeux.
Tu reviendras, portant la liberté des cimes
Dans ces fleurs de l’espace embaumant tes bras nus,
Et
penchée en riant sur de profonds abîmes,
Tu
goûteras l’amour des dangers inconnus.
Tu reverras, le long de ces pentes brumeuses,
Les
noirs sapins bénir les grands gouffres d’azur,
Et
tu te sentiras, par tes veines heureuses.
Au geste végétal
accorder ton cœur pur.
Tu reviendras, rêvant d’heures
immaculées,
Car le seul vrai bonheur est là haut,
tu le sais :
Les ailes de la joie y sont inviolées,
La délivrance y rit dans les torrents plus frais.
La sainte solitude en haut de la montagne,
Peut
recréer le rêve et charmer la douleur ;
Pourquoi
donc revenir ? Et qui donc t’accompagne
Dans ce
sentier paré de différentes fleurs ?
Quel est l’esprit obscur qui déjà
te ramène
Et malgré toi conduit tes pas sur ce
chemin ?
… « L’attrait mystérieux
de la tendresse humaine
Qui me parle dans l’ombre et qui
me prend la main… »
Marie de Régnier (née de Heredia), « Petits poèmes » de Gérard d’Houville, Revue des Deux Mondes, tome 42, 1917