Tu as éparpillé des morceaux de mes ancêtres dans tes vallées
sur tes flancs les chevaux endormis ne voient pas ceux
qui montent
ton cimetière au bord d’une vieille église
qu’aucun prêtre n’habite plus
qu’aucun Dieu ne visite
eyzahut, si tu savais comme j’ai honte
je voudrais m’agripper à ta robe
à la manière d’un chat contre un arbre l’été
j’entends ces voix au printemps qui murmurent
bientôt Eyzahut, bientôt Eyzahut
quand la brume t’enrobe
de lavande et de fumée
je ne suis pas née dans tes entrailles
si tu savais comme elles manquent
à ma vie ces longues ascensions
pour passer au travers de tes murailles
il y a plus de chiens que d’enfants dans tes rues
je dormirai ce soir sur un oreiller mort
j’ai besoin de tes ombres, Eyzahut
comment as-tu fait pour me garder dans tes mâchoires
sans me creuser des trous au corps ?
je me suis reposée dans les draps des falaises
tous tes feux en juillet dansaient contre la roche
je veux bien mourir de faim dans tes orages
ces forêts que tu embrases
ces flèches que tu décoches
le soleil est ton arc
ceux qui vont vieillir te saluent
bientôt, Eyzahut, bientôt Eyzahut.
la nuit, j'entends encore les grondements de tes carrières
je sens passer sous moi le sang des lignées mortes
tu m’as donné des ailes pour venir jusqu’à toi
je n’abandonnerai pas
un feu fume davantage quand on verse de l’eau dessus.
bientôt Eyzahut, bientôt Eyzahut.
Cécile Coulon, Les Ronces, Le Castor Astral, 2018