Variante une
Qu’ai-je étreint dans ma vie
sinon de vains nuages
J’ai su très tôt Seigneur
que tout était écrit
Qu’à trop vouloir parler
on se damnait ; Maudit
Je n’ai vu dans ma vie
que malheurs et naufrages
Ma révolte criait
obstinément sa rage
Elle éprouvait mon corps
et bravait l’interdit
Mais j’ai toujours cherché
sur terre un paradis
Et je n’ai vu qu’enfers
cruautés et carnages
J’ai aimé la beauté
Je l’ai vêtue de noir
Rendu l’âme et dent fois
abandonné l’espoir
Au cœur d’un ciel muet
dont je baisais le marbre
Pour toujours priant seul
mais jamais à genoux
Debout, juché parmi
les branches bleues d’un arbre
Je bois tout l’univers
les yeux comme des trous
Variante deux
La colère et l’écume
ont déserté son cri
Il veille à l’infini
son souffle est sur ma bouche
Et dans le grand silence
étoilé de ma couche
Son beau visage d’homme
éclaire en moi la nuit
Sa rage au cœur du jour
à jamais s’est enfouie
Il y va de sa larme
en regardant les mouches
Et l’ombre qui blanchit
sous le froid qui le touche
Encercle en son absence
une ombre qui dit – Fuis ! –
Cet être sans abri
enivre en vain sa peine
Sa laideur lui sourit
dans l’alcool blanc d’un soir
Ainsi qu’un rubis sombre
Ô ce vin vieux qui traîne
Fantôme au fond d’un verre
un œil vide croit voir
La truffe bleue d’un chien
qui fouille à perdre haleine
Une poubelle au seuil
d’un terrifiant trou noir
Gilbert Joncour, Psaumes pour une faim de ciel, Amis de Hors Jeu Éditions
Hors Jeu, n° 26, octobre 1997