I
Les couleurs de la
nuit sont celles des néons froids
Trois heures ‒
la lumière est vieille
Tombe aux paupières des
choses.
Monde aux longs murs engourdis ‒
jaune et gris.
La lumière pèse et massifs sont
les murs
Fatigués d’être là.
Tout immobile et lourd.
Seuls vivent encore les feux
Sautillent scintillant
Sur la rue épuisée
Poursuivent leur routine sans
Inquiéter le monde
éteint.
La nuit ne dort pas en ville
Ceux qui restent ont gagné ses sommeils interdits.
II
Nuit ‒ depuis longtemps il faut rentrer. Je marche sur le vide urbain, j’en respire le calme épais. Mais à mesure que j’avance au cœur du vent troublé, je découvre la fragilité de cet air dont le goût fuit ma langue : ce n’est qu’un répit au creux de la tempête des jours ; le reste d’un tout absent, attendant d’y mourir.
Alors il faut rentrer. Disparaître du dehors à son tour, le laisser aller seul. Le suspendre avec son manteau le temps de dormir.
Demain sera bruyant et plein des autres.
III
Je suis l’autre
du calme et les murs me le disent.
Péril insidieux qui
s’approche au lointain de la nuit
Et c’est moi dont
les pas éclatent en tous sens
Les bris du silence
Qu’ils écrasent.
Mirage entraperçu
l’impossible
Au bout des doigts senti presque atteint
‒
Une biche farouche ‒
elle a passé le coin.
Tu es le bruit qui lui fait peur
Qui lui interdit d’exister avec toi.
Tu ne l’auras
jamais, jamais la paix entière
Où tu es sa
présence est présence sans corps,
Une fumée
d’ailleurs, une absence encore chaude
Un parfum que l’on
sait sans le trouver jamais
À peine tu le sens, il est
déjà parti
Et laisse tomber ta narine
Dans
les vides odeurs qui sont tiennes
Odeurs oubliées mais
qui puent
Derrière le parfum que tu n’as pas
connu.
Romain Richard, janvier 2021