Carthage (Édouard Glissant)

V

La mer crie mais la mer bientôt s’éteint. Et le soldat
La gonfle de cadavres, de prurits. La mer accueille
Consentante le prix de son péage, elle est louée
Débiteuse de vie dont l’étal ébloui reflue
Jusqu’au rivage où agonise ce péan. Un mot
Te guette, tu n’as pas vidé la coupe, un mot te noue
Toi, mer. Et cent fureurs auront bleui de ce charnier
Avant que de ta lourde effervescence naisse l’or
Par quoi la Ville en la Saison s’éblouira.

 
 

Édouard Glissant, Le sel noir, 1960