Tu tends ton visage dans la lumière dont sont mortes les eaux.
Descends encore si tu peux. Et avance une main confiante dans la trame qui brûle ses couleurs. Elle heurtera peut-être ces poudres où se tait si intensément la mélodie.
Tu voulais toucher dans les nappes rugueuses ce bruit des eaux depuis longtemps calcinées. Fendre le pelage et les peaux de la vision, sentir le grain de ces sons qui sourdent des nappes désolées.
Tu voulais le remous de cette vibration, la joue rêche de la pierre à meule. Toutes herbes astringentes qui fument sur les pentes ébréchées.
Ces rassemblements et ces dispersions entre la paume du silex et son tranchant s'accordent peu à peu à une respiration, à la foulée sourde des capillaires où s'enfle et se rétracte la méduse archaïque de la mémoire. Quels accords ? Quels liens ?
Éternuement de poussière, le va-et-vient prudent dans les cellules et parfois la noirceur d'une branche où d'un coup se renverse le flux.
Sur les pistes monotones la chimie insolente de ton âme.
Mais accueille dans ta langue ce venin inconnu...
Lorand Gaspar, Judée, Gallimard, 1980