La mort de Guillaume Apollinaire (Tristan Tzara)

                nous ne savons rien

           nous ne savions rien de la douleur
la saison amère du froid
     creuse de longues traces dans nos muscles
il aurait plutôt aimé la joie de la victoire
     sages sous les tristesses calmes     en cage
               ne pouvoir rien faire

Si la neige tombait en haut
     si le soleil montait chez nous pendant la nuit
               pour nous chauffer
     et les arbres pendaient avec leur couronne
               - unique pleur -
si les oiseaux étaient parmi nous pour se mirer
     dans le lac tranquille au-dessus de nos têtes
               ON POURRAIT COMPRENDRE
la mort serait un beau long voyage
     et les vacances illimitées de la chair des structures et des os


Tristan Tzara, 1919