Alleluia ! Tu laboures de tes os le poudreux champ de la mort. Tu sèmes la semence d’un pourrissant visage tant aimé. Qui es-tu aujourd’hui qu’il n’est plus de regards ? Nul ne piétine les gazons de la berge obscure. Et nul ne vient vers toi la main tendue. Il faut recommencer à vivre mais seul enfin vraiment dans une solitude armée. N’oublie pas. Tu disais qu’ils faisaient trop de bruit dans la salle ô compagnons ! Souviens-toi. Tu as voulu sortir aller la retrouver. Tu as claqué la porte et pour toujours sans le savoir. Elle s’était jetée dans le gouffre vers toi. Tu l’as revue profonde et suppliante brisée. Quand tu es revenu l’auberge était en ruine et le temps n’avait qu’à grand-peine passé. Tu es parti en barque noire au milieu d’une eau lisse. Quand le jour se leva c’était un flot d’étoiles. Tu as su qu’il n’est plus de retour. Mais ensuite il faut ouvrir l’être sur l’aube. Il faut parler encore et du haut de la joie. Tu lui demandes comment elle voudrait qu’ils aiment. Tu les convaincs d’aimer celle que tu aimais que tu n’as pu sauver. Puis tu effaceras jusqu’à la cendre de ton ombre au long des souffles blancs du rêve. Tu n’existeras plus ni pour eux ni pour elle qui sont d’un autre amour et d’une autre espérance.
Jean-Philippe Salabreuil (1940-1970)