Le jardin est, ce soir, si mystique, si beau...
Le feuillage est penché sous le souffle de l’eau,
Le puits est débordant d’astres et de mystère,
La neige des sureaux ensevelit la terre,
Et pâle,
et lumineux, et farouche, et blessé,
L’amour est
là, présent... Et l’on entend glisser
Les
ombres des bouleaux au long de l’onde pure...
Et je suis jeune fille et la forêt murmure...
Un cortège de grâce et de suavité
Peuple de voiles blancs toute l’immensité,
Des
âmes d’innocence et de parfums se mêlent,
Des
vierges et des lis dans la brise s’appellent...
Et, là-haut, sous l’éclat de
célestes accents,
Un ange doit mourir de la fleur de
l’encens...
N’est-ce pas trop pour moi que cette
nuit si vaste ?
L’arbre, droit, adorant... les
jardins bleus... l’air chaste...
Les feuilles remuant sous leur voile d’odeur...
Ce ciel tout en silence et tout en profondeur ?...
Où s’est enfui le vol des brumes et
des nues ?...
Les voûtes de l’azur sont
éperdument nues...
Au zénith resplendit la Face de beauté...
Le ciel est transparent jusqu’à l’éternité...
Hélène Picard, L’instant éternel, 1907