Ô temps de la première et généreuse
sève,
Où les yeux rayonnaient, où le pas
sonnait fier !
Il me semble à présent que ce fut
comme un rêve,
Et que c’était hier,
Mais quarante ans, hélas, me pèsent
sur la tête,
Quarante ans, tout remplis de douloureux
efforts.
Ah ! comme ils ont passé ! La vie humaine
est faite
De successives morts.
Chaque jour, sur ma route, un de mes amis tombe.
Adieu les beaux espoirs et les désirs trop grands...
L’homme est fragilité. J’ai déjà
dans la tombe
Couché tous mes parents.
Ce n’est plus le matin, dans sa fraîcheur
limpide ;
Ce n’est plus le printemps, c’est le cœur
de l’été.
Je m’avance à pas
lourds sous le soleil aride
De la maturité.
Ô mon Dieu, soutenez mon être
misérable :
Il me faut votre ferme et paternel
secours,
Puisque je reste seul, et que le poids m’accable
Des travaux et des jours.
Louis Le Cardonnel, De l’une à l’autre aurore, 1924