Soleil aux aplombs verts (Louis Calaferte)

Soleil aux aplombs verts
ces contrées étaient tiennes par toutes les racines
des muscles et des pierres
par les nefs et le vent
par les tapis bengale des roches usagées où l’oraison des mers
s’achevait en exils
par la paupière close et tapissée de foudres
ces sentes et ces plages
ces vains cheminements sur des pas retournés
À toi ces pistes d’ombre au thorax des forêts
ces meurtres
ces blessures
l’égorgement des lianes
ce massacre de fleurs
la noire purulence d’anciens pourrissements d’écorces
À toi ces peuples lents à toi par le daim mûr des peaux par le balancement des hanches capitales qui gerbent les tissus alanguis dans la marche
par les blanches semonces
le mors baveux
les fers
par les sévices fous des pleins après-midi noueux
sur leurs poudres cassantes
par l’oreille alourdie de vagissants lointains
par nos sommeils immenses
morts orangés dans une libre aisance à glaner tes granits
nous fûmes tes pendus

À tes colliers
À tes fougères
À tes palans

Missel

À tes perruques
À tes voilures
À tes onguents

Carnage

À tes balises
À tes terrasses
À tes ferveurs

Forceps

ma femme les seins nue clouée sous tes outrages
comme à l’amour languide et souple et engourdie
comme à l’amour fuyante et souple et conforme
comme à l’amour unie et docile et passive
ma femme les seins nus
comme à l’amour remise à tes eucharisties

Pénitence

À tes sondes
À tes laines
À tes rois

Origine

Amants feutres à parapher tes servitudes
nous fûmes tes élus.


Louis Calaferte, Îles, 1967