La mort, la nuit (Jacques de Constans)

Amoureux forcené plein d’horreur et de rage,
Quand pourrai-je jouir d’une éternelle nuit ?
Quand avecque la mort finirai-je mon âge
Échappé de l’enfer où l’amour me conduit ?

Cependant pour fuir du soleil la lumière,
Aux antres les plus noirs je ferai mon séjour,
Quand la lune viendra pour franchir sa carrière,
Je me tiendrai caché la nuit comme le jour.

Là, jamais le printemps près de moi ne revienne
Verdissant pour jaunir les fruits durant l’été,
Mais au lieu de zéphyrs, que la bise s’y tienne,
Y faisant un hiver qui ne soit limité.

Car je ne veux plus voir tant de couleurs diverses,
Annonces du plaisir de quelque vain espoir,
Mais pour les seuls témoins de mes dures traverses,
Je veux choisir la mort, la nuit, l’hiver, le noir.


Jacques de Constans (1547-1621), Les constantes amours (1568)