Donc c’est la forêt du mensonge, morne
dans la Nuit :
Jets d’eau très-loin, lente
musique d’ennui
D’où le rêve lassé
s’essore à petit bruit ―
Dormir en vos linceuls, ô feuillages jaunis ―
Ritournelle des vieux ennuis
Le vent
sanglote dans la Nuit.
Le vent se venge ―
ô frisson jusque dans les moelles, ―
Le vent disperse les feuilles et puis s’enfuit
Et
là-haut les pâles caravanes d’étoiles
Se
hâtent vers l’oasis de lune et ses puits.
Dormir insoucieux de l’Isis sous ses voiles ―
Complice des louches minuits
Le vent
sanglote dans la Nuit
Aussi, des bassins où l’eau dort sans
clapotis,
Où flottent des plumes de palombe envolée,
Et le triste traînis des feuilles des allées
Vient finir aux bassins et se mue en débris.
Pauvres feuilles d’amour si tremblantes sur
l’eau !...
Et les Étoiles sont toutes tombées
dans l’eau ―
Chantre des espoirs détruits,
Le vent
sanglote dans la Nuit ―
Il fait tard il fait froid l’heure tombe
assourdie,
C’est demain déjà, c’est
l’hiver et c’est la vie ―
Seul veille un vieillard fou qui dit : «
pouvoir
Un peu dormir, oh s’ignorer issu du noir
Errant au noir et guetté des gueules du noir ―
»
Mais l’insomnie règne en la forêt
des bannis...
Le vent sanglote dans la Nuit.
Adolphe Retté, Cloches dans la Nuit, 1887