Las de ses vains efforts, frémissant
d’accepter
Et son rêve illusoire et la douleur
réelle
Le Vivre a-t-il enfin assez battu de l’aile
Et le martyre clos qu’il se doit d’affronter
La
loi sera moins dure ?
―
Ô vieil aigle rebelle
Souffre stoïquement l’outrage
coutumier,
Car l’Œuvre est en latence et son
souffle vivace
De l’Être et ses rancœurs
saura bien t’arracher :
Déjà les
chants prochains fulgurent aux espaces
Des cloches turbulent dans le Noir.
Mais ce cercle banal de nos vieux horizons,
Ces
cœurs, coches poussifs et qui roulent à vide,
Voyage
pérennel autour de la prison :
Ah ! sur quel
infini fixer nos yeux avides ?
En la coupe de Nuit tu noîras
ta raison,
En la coupe tendue à tes lèvres avides
―
La Nuit
dont ta folie avère les poisons
Rénovera le sang
de tes veines arides ―
L’Infini ? glas menteur pour ta fruste oraison ―
Des cloches turbulent dans le Noir.
Des rites abolis notre fardeau s’allège :
Spectres vaincus, Éden sonore où nous goûtons
Le tremblé de la note et son lent sortilège,
Chœurs de blancs cygnes, purs encensoirs ―
écoutons
Ces appels à des frères
vaguant par les routes...
Ô voix d’or et d’airain
et qui clangorez toutes ―
Des cloches turbulent dans le Noir.
Cependant l’ombre est là, l’ombre
d’âme première
Se lève aux
tourbillons de la fête et ses yeux
Disent le Néant
vrai des âmes printanières :
L’idole,
en rancune d’amour, de nos faux dieux
Nous prodigue ses
froids baisers paralysants...
Qu’importe, nous boirons à
la coupe nocturne,
Ses sanglots et ses pleurs nous seront plus
grisants...
Mais ô Nuit les notes coulent si mortes de
ton urne ―
Des cloches turbulent dans le Noir !
Adolphe Retté, Cloches dans la Nuit, 1887