Me voici seul (Alain Borne)

Me voici seul avec ma voix
j’entends le dernier pas qui balaye la route

En guise de préface aux « Soirs de défaite » (Pimodan)

Nous sommes des vaincus, Français et Gentilshommes,
Deux fois vaincus ! La gloire a quitté nos drapeaux,

Nocturne (Jules Tellier)

Nous quittâmes la Gaule sur un vaisseau qui partait de Massilia, un soir d’automne, à la tombée de la nuit.

Encore marcher (Pierre Reverdy)

S’il se soulève quand je passerai près de lui ; s’il pleure quand viendra la nuit, s’il ne crie pas ? J’aurai cru le voir et ce sera fini.

Tête perdue (Pierre Reverdy)

Dans la rue où personne ne passe
Entre le numéro 13 et le numéro 30
Quelque temps qu'il fasse

La mort de Guillaume Apollinaire (Tristan Tzara)

                nous ne savons rien

           nous ne savions rien de la douleur
la saison amère du froid

La mort du lion (Paul Claudel)

C’est lui qu’elle attendait, la mer illuminée !
C’est lui, le fiancé, qu’elle appelait tout bas !
Elle est à l’horizon l’épouse devinée.
Elle applaudit d’un flot à chacun de ses pas.

La musique (Paul Claudel)

L’acacia ruisselle de lait et la lune fait des siennes au dehors
Partons ! on nous a donné rendez-vous sur un lac d’or

Léda dans son premier sommeil (Paul Éluard)

Je dormais couchée sur le ventre
J’avais conscience de mon ventre

Le ciel pesant coulait en moi
Par mille graines de blé vif

Découvertes (Henry-Jacques)

À la mémoire d'Alan Seeger


Le petit jour lavait son illustre candeur
Dans l'eau des entonnoirs et le bleu des cuvettes.
Les coteaux s'éveillaient en secouant leurs crêtes
Dans un bain musical de soleil et d'odeurs.

L'inoubliable (Henry-Jacques)

11 novembre 1918


C'est l'heure. Un lourd silence étalé sur la plaine.
Des hommes dans un trou attendent, l'arme au poing.
L'armistice, la fin ? — Ces gars y croient à peine,
L'avenir et la paix leur paraissent trop loin.

Le fossoyeur (Henry-Jacques)

À la mémoire de Georges Bannerot


Le fossoyeur a quitté sa vareuse.
Empoignant ses outils
À coups pesants et réguliers il creuse

Se peut-il que ce faux ménage (Léon-Paul Fargue)

Se peut-il que ce faux ménage, avec le grand fils, se brise ? — Certes. — La vie a été la plus forte. — Ils ont épuisé tous les regards et toutes les larmes.

Les mots, les mots spéciaux (Léon-Paul Fargue)

Les mots, les mots spéciaux qu’elle avait faits pour moi, je l’écoutais les dire à l’Autre.

J’ai passé la croix de fer (Léon-Paul Fargue)

J’ai passé la croix de fer frappée de la foudre. Les batteuses ronflent dans la ferme, sur la droite, et le vent me l’apporte comme aux vieux jours..

Plainte des hommes (Henry-Jacques)

À la mémoire de Jean-Marc Bernard


Nous avons tout quitté pour d'incroyables voies,
Notre tâche d'amour, notre rêve, nos joies,

Les martyrs (Henry-Jacques)

Vous qui dîtes : « Mourir, c'est le sort le plus beau »,
Et qui, sans le connaître, exaltez le tombeau,
Venez voir de plus près, dans ses affres, fidèle,
Cette mort du soldat qui vous semble si belle.

Réponse au sonnet contre la Phèdre de Racine (Nicolas Boileau)

Dans un palais doré, Damon, jaloux et blême,
Fait des vers où jamais personne n’entend rien :

À une payse : sône (Anatole Le Braz)

Vous n’étiez qu’une enfant lorsque je vous connus,
       Ô ma jeune amour ignorée !
Vous n’étiez qu’une enfant, et vous marchiez pieds nus,
       Dans une robe déchirée.

Confidence (Charles Le Goffic)

Je t’apporte un cœur bien las.
Ne me dis plus que tu m'aimes ;
Une autre m’a dit, hélas !
Les mêmes choses, les mêmes.

On a rentré les foins (Émilie Arnal)

On a rentré les foins. Ce soir la grange est pleine
De la chaude senteur des herbes de nos prés :
L’anneau d’or du soleil a glissé sur la plaine,
Mais l’air est pur, ici, sur les monts empourprés.

La maison de granit (Émilie Arnal)

Mes lèvres avaient soif de la tendresse humaine ;
Je voulais la douceur de ce vin généreux
Fait des fruits les plus beaux du terrestre domaine
Où nous passons, brûlés du désir d’être heureux.

Je vous aime (Émilie Arnal)

Seigneur, vous le savez aussi que je vous aime,
Moi, dont le faible cœur, par mille nœuds lié,
Vous a depuis longtemps trop souvent renié !
Je vous aime pourtant beaucoup plus que moi-même.

Je suis la hanteuse (Lucie Delarue-Mardrus)

Je suis la hanteuse des mers fatales
Où s’échevèlent les couchers sanglants,
Des mers basses ou hautes ou étales
Vers qui je crie du profond de mes flancs.

La mort, la nuit (Jacques de Constans)

Amoureux forcené plein d’horreur et de rage,
Quand pourrai-je jouir d’une éternelle nuit ?
Quand avecque la mort finirai-je mon âge
Échappé de l’enfer où l’amour me conduit ?

Les ressuscités (Amélie Murat)

« Ils se levèrent tous ensemble, formant une grande armée. »
Ézéchiel

« L’Esprit m’avait conduit au milieu des tombeaux. »

Tertres hâtifs, marqués d’aventureux lambeaux,
Où deux brins de bois sec font une croix précaire ;

Liminaire (Amélie Murat)

Humblement, sur l’autel où d’autres ont laissé
Leur espoir, leur amour, leur vie ardente même,
J’apporte mon offrande... et ce n’est qu’un poème,
Plainte lyrique où pleure un sanglot cadencé.

Soleil aux aplombs verts (Louis Calaferte)

Soleil aux aplombs verts
ces contrées étaient tiennes par toutes les racines
des muscles et des pierres

Filles mortes (Anthony Lhéritier)

Filles mortes, feuilles mortes
Le vent du temps vous déporte
Vous déporte légères.

Deux lettres de Max Jacob sur la poésie

Ces deux lettres ont été adressées au poète Jacques Borel, alors adolescent, en réponse aux poèmes que ce dernier avait envoyés à Max Jacob. Elles ont été reproduites dans le n° 38 (janvier 2002) de la revue Hors Jeu, consacré à Max Jacob.

Noir comme la mer (Louis Guillaume)

Tout ce que je ne puis te dire
À cause de tant de murs
Tout cela qui s’accumule
Autour de nous dans la nuit

Ma muse (Valery Larbaud)

Je chante l’Europe, ses chemins de fer et ses théâtres
Et ses constellations de cités, et cependant
J’apporte dans mes vers les dépouilles d’un nouveau monde :
Des boucliers de peaux peints de couleurs violentes,

Vieux pays (Charles Le Quintrec)

Il me souvient d’un vieux pays d’herbe et de brume
On y mène parfois les âmes. Le silence
Y règne dans le vent qui rameute la mer
C’est là-bas… Quelle baie pour y plonger le ciel
N’y poussent bien que les astres de longue errance.

Hurlement (Marie Noël)

À la mémoire de maman
et de mon petit frère Eugène.


Le jour s’en va. Sur la montagne,
L’ombre grandit.

Nuit de juin (André Gide)

Athman, je songe à toi ; Biskra, je songe à tes palmiers. – Touggourt, à tes sables… – Le vent aride du désert agite-t-il encore là-bas, oasis, vos palmes bruissantes ? De chaleur, grenades éclatées, laissez-vous choir vos grains acerbes ? –

Dans cette grande maison que personne ne connaît... (Jules Supervielle)

Dans cette grande maison que personne ne connaît
Avec sa façade, ses murs qui restent à mi-chemin
Entre les pierres et l’homme,

Femme de soleil blanc (Jean-Claude Renard)

Femme que la lumière et que la mer saluent
je salue dans ton corps le peuple de l’été,

Père d’or et de sel (Jean-Claude Renard)

à Notre Père et à mon père.


Père d’or et de sel, ô Père intérieur,
Père d’eau, Père pur par l’arbre et par le feu,

À la fin du soir (Jean Grosjean)

Le mur écroulé,
la rue sans passants
le soleil ôté,
le ciel enfin seul.

La maison du passé (Mathilde Delaporte)

À mes parents défunts


J’ai bâti la Maison du Passé dans mon âme !
La porte en est fermée, et, comme en des yeux clos
Aux fenêtres jamais il n’erre plus de flamme.
J’ai bâti la Maison du Passé dans mon âme !
Plus rien d’extérieur n’en trouble le repos.

Les racines de la tombe (Mathilde Delaporte)

À Ernest Prévost


L’exil, c’est de n’avoir personne au cimetière.
On n’est point d’un pays où l’on n’a pas de morts,
Et l’on reste étranger sur un sol dont les corps
D’où sortit notre corps n’ont point fait la poussière.

Soif de la terre (Mathilde Delaporte)

C’est l’été, l’été chaud, et c’est l’heure accablée ;
Les blés s’inclinent, lourds du grain au soleil cuit ;
À force de rayons la terre est aveuglée ;
L’ardent Midi s’endort, morne comme un minuit.

Il y a dans chaque enfant (Martine Biard)

À Jean Joubert


Il y a dans chaque enfant comme une trêve avec la nuit,
Un monde nouveau qui dit non à l’autre.
Une fêlure où tombe le néant.
Et le chemin recommence

Chant du désir (Amélie Murat)

Ô minuit, sois plus noir que le lit clos des grottes !
Sois plus sourd, quand recule au large de l’écho
Le cercle évanoui de tes dernières notes,
Que les étangs où sommeillent les villes mortes…

Invocation avant le rêve (Amélie Murat)

Visage essentiel qui m’êtes refusé :
Lumière du regard et chaleur du baiser,

Temple du front, jardin du sourire... ô visage !
Dans mon rêve, je veux, j’attends votre passage.

Agonie (Amélie Murat)

Nul ne saura jamais quel drame obscur se joue,
— Rideau baissé, lumière éteinte, — sous le front
Si pâle, auprès du frêle incarnat de la joue,
Du phtisique à la mort voué pour un jour prompt...

Quelquefois le désir... (Amélie Murat)

Quelquefois le désir oublié me réclame,
Quand mon front, lourd d'avoir pensé, pèse à ma main,
De céder au penchant de mon cœur féminin,
Et de n'être, à côté d'un époux, qu'une femme...

Extraits de poèmes et citations d'Amélie Murat

Source inconnue :

Il suffirait, pour être heureuse
De ne pas songer au bonheur.

Vers et citations de Mathilde Delaporte

L’étain la source, 1 (Monique Laederach)

I

Ô nocturnes en nous, nocturnes les désirs
Et ce vivre couché sur le versant des morts !

Ode sur l'enfance chrétienne (Fénelon)

Adieu vaine prudence,
Je ne te dois plus rien ;

Méditation (Meg Galletti Boucrot)

Que m’importe le toit qui désormais m’abrite,
Que m’importe le lieu où je résiderai,

Blason de la cuisse (Le Lieur)

Cuisse où j'ay long temps prétendu,
Plus ferme qu'ung fort arc tendu,

Lever de lune en mer (Jules Tellier)

Dans la nuit froide, au ras des flots, la lune s’est levée comme une personne. Sa face très large et rouge et qu’une souffrance contracte a des airs de caricature grimaçante et sinistre.

Après le « grand soir » (Pimodan)

Quand rien ne sera plus des sociétés pourries
Où nous agonisons ; quand on aura brûlé,

Père, voici que l’homme (Jean-Claude Renard)

Père, voici que l’homme est là comme le blé
qui se nourrit de vous pour vous nourrir de lui,

Prophétie du dieu de Seine (Malherbe)

Va-t'en à la malheure, excrément de la terre,
Monstre, qui dans la paix fais les maux de la guerre,

Faire découvrir les poètes méconnus

« Poème de la quinzaine », une revue en ligne pour faire connaître le meilleur de la poésie française présente et passée

L'ambition des Poèmes de la quinzaine est de faire (re)découvrir la grande poésie française, celle des poètes célèbres comme celle des poètes méconnus ou tombés dans l'oubli. Pour les faire connaître au public, la revue Poème de la quinzaine :

  • publie sur son site une sélection de grands poèmes introuvables par ailleurs sur la toile ;
  • diffuse une lettre électronique à plus de 500 lecteurs deux fois par mois ;
  • poste de nombreux vers sur son compte Twitter, également suivi par plusieurs centaines d'internautes.

La plupart des poèmes présentés par la revue ne sont pas publiés sur le site. Nous renvoyons sur les sites où ces poèmes sont déjà présents. Pourquoi ? Parce que nous voulons valoriser les nombreux sites qui diffusent la belle poésie, et non entrer en concurrence avec eux. Parce qu'il ne sert de rien de refaire un travail déjà bien fait, mais au contraire qu'il faut le faire connaître. Parce que nous ne prétendons nullement avoir le monopole de la poésie, mais au contraire croyons que la diversité des points de vue et des approches fait la richesse d'une littérature.


Comment faire découvrir un poète inconnu ou oublié ?

Vous connaissez et appréciez un poète méconnu, vivant ou passé ? Vous souhaitez le faire connaître ? Voici quelques pistes d'action :

  • envoyez les meilleurs extraits de ses œuvres par courriel à : poemedelaquinzaine [arobase] yahoo [point] fr ;
  • si ces textes ne sont pas disponibles sur internet, vous pouvez nous proposer de les publier sur notre site ;
  • vous pouvez aussi diffuser ces textes sur votre site et nous en envoyer le lien. Dans ce cas, nous vous conseillons vivement de suivre ces conseils pour bien publier des poèmes en ligne.

Nous sélectionnons les textes que nous publions sur le site ou que nous diffusons dans la lettre électronique selon notre seul goût, avec tout ce que cela a d'arbitraire. Nous tâchons seulement de le faire en conscience, et espérons que nos choix continuerons de trouver de l'écho chez les lecteurs.

Prédiction de la Meuse, aux princes révoltés (Malherbe)

...
Allez à la malheure, allez, âmes tragiques,
Qui fondez voire gloire aux misères publiques,

Sonnet (Anne Osmont)

Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie.
Emportez-moi comme elle, orageux aquilon.

Lamartine, « L'isolement »

Le sang du soir ruisselle en l'or sanglant des vignes,
Dans les pins violets pleure le vent du soir :

Petite anthologie de poèmes rares et originaux

Il y a bien sûr les grandes anthologies, celles qui font référence, celles qui donnent à découvrir la poésie française dans sa grandeur et son génie...

Mais ces recueils, pour magnifiques qu'ils sont, n'épuisent pas la richesse de la poésie française. Découvrez une sélection de poèmes originaux des poètes anciens et vivants, qui méritent d'être lus, connus et aimés :

... une anthologie de textes rares, que vous ne trouverez pas ailleurs : découvrez ces poèmes ! Et pour en découvrir d'autres originaux et méconnus, inscrivez-vous au Poème de la Quinzaine.